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Auteurs :  Adrien GAIO, Valentine GIRET, Vincent MIQUEL, Paul RENARD, Antoine SAN SEGUNDO. Master CEN (Rencontres crossmedias 2016)


« Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front » (Génèse, chapitre 3, verset 19). Les robots sont-ils sur le point de mettre fin à cette maxime millénaire ?

Le travail simplifié

Nul besoin de vous présenter l’américaine Google Car, qui conduira bientôt à votre place ! Mais connaissez-vous l’allemand Hollie2, qui sert des cocktails lors de réceptions branchées ? Ou encore l’israélien Wibbiz3 qui écrit des articles de journaux ? Watson, lui, a été développé par le centre de cancérologie Memorial Sloan Kettering à New York avec le soutien d’IBM4. Il est capable de restituer, grâce aux millions de pages de journaux spécialisés et de tests cliniques qu’il traite en temps réel, des résultats pertinents et actualisés en quelques minutes, là où l’homme aurait besoin de jours de recherches. En aidant les médecins dans leur diagnostic, Watson libère  du temps et de la main-d’œuvre.

Ainsi, le travail des robots pourrait permettre aux travailleurs de mieux se consacrer à des tâches intellectuelles ou de création ! Selon l’hypothèse de l’économiste américain Jeremy Rifkin5, la structure même de l’emploi pourrait être bouleversée pour permettre aux travailleurs de se consacrer à leurs loisirs.

Le travail valorisé

Moins de travail et plus de métiers passionnants : l’avènement des drones, par exemple, nécessite des opérateurs et des pilotes au sol. Autre exemple, le marché grandissant des robots domestiques multipliera les postes de vendeurs experts en nouvelles technologies. Les services à la personne auront également leur révolution avec notamment la naissance d’imprimantes 3D, par exemple pour fabriquer une pièce pour réparer une machine à laver ou un véhicule, et ce à partir d’un fichier téléchargé.

 

Thomas Frey, chercheur au think tank futuriste DaVinci Institute du Colorado, explique que « 60 % des métiers qui façonneront l’avenir n’ont pas encore été inventés »6.

En plus du nouveau confort de travail dû à la robotisation des métiers pénibles, dangereux ou de répétition, le consommateur pourrait profiter d’une hausse de son pouvoir d’achat. En effet, d’après le cabinet Roland Berger7, l’automatisation de l’économie pourrait créer 30 milliards d’euros de richesse supplémentaire et libérer 13 milliards d’euros de pouvoir d’achat pour le consommateur. Ajoutez encore à cela la possibilité de remplacer son cœur ou son foie pour des organes artificiels plus performants, et vous atteindrez le bonheur parfait !

Un paradoxe mis en évidence

Mais évidemment la relation Homme-machine n’est pas si simple : si nous faisons parfaitement confiance à un robot pour assembler des pièces sur une chaîne de montage, qu’en sera-t-il lorsqu’il s’agira de le laisser nous opérer ou garder nos enfants ?

De plus, selon une étude menée par Special Eurobarometer8, 37% des actifs auraient peur de perdre leur emploi à cause de la robotisation de leur secteur. Cette peur n’est pas irrationnelle puisque selon de cabinet Roland Berger7, les robots seront responsables de la suppression de 3 millions d’emplois en France d’ici à 2025 avec l’automatisation de 20% des tâches. Bilan : des pertes brutes d’emploi de l’ordre de 18%.

D’après certains historiens de l’économie comme Daniel Cohen9, c’est la première fois dans l’histoire de l’humanité qu’une révolution industrielle ne débouche pas sur de la croissance. Il n’y a pas eu, comme ce fut le cas lors des précédentes « révolutions industrielles », l’enclenchement d’un mouvement de « destruction créatrice », décrite par Joseph Schumpeter10. Bien qu’il y ait création de richesse, les emplois détruits dans un secteur ne seront pas, a priori, compensés par des emplois nouveaux créés ailleurs.

L’humanité serait donc enfermée dans un paradoxe : la création de richesses engendrée par la dernière vague technologique crée pour l’instant essentiellement du chômage. Pour Daniel Cohen, cette nouvelle conjoncture nécessite impérativement de repenser l’État dans sa structure afin de « s’immuniser contre les aléas de la croissance », facteurs d’inégalités. Il s’agit de faire en sorte que la création de richesse permise par l’automatisation soit redistribuée équitablement et non confisquée par quelques grandes entreprises.

Un changement structurel du travail est-il en route ?

La robotisation accroît les inégalités puisqu’à côté des emplois liés à la « nouvelle économie », ce qui reste de l’emploi dans les pays développés concerne les postes non délocalisables et peu qualifiés (secteur médical et médico-social, petit commerce et artisanat de proximité tels que coiffeurs ou serruriers, hôtellerie et restauration, transports, nettoyage, gardiennage, jardinage, etc.)11.

Le mouvement de digitalisation crée donc deux catégories métiers : un petit nombre de métiers très qualifiés et un très grand nombre de métiers peu qualifiés. Il lamine pour l’instant les classes moyennes et laisse à l’écart les victimes de la « fracture numérique ».

Résister à la révolution technologique ? Cette solution n’est pas viable dans une économie ouverte : si nous refusons les robots, nos concurrents des pays émergents n’hésiteront pas ! La seule voie possible réside dans une meilleure régulation économique. C’est l’opinion d’experts comme Thomas Piketty ou Pierre-Noël Giraud qui prônent un meilleur contrôle de la finance internationale et militent pour une certaine forme de « revenu universel » inconditionnel, versé à tous les citoyens. Cette mesure est d’ailleurs en cours d’expérimentation en Finlande et déjà en place dans d’autres pays comme l’Inde, le Brésil, ou encore la Namibie12.

A l’heure des robots, l’homme gagnera-t-il encore son pain à la sueur de son front ? La maxime biblique serait-elle dépassée ?


  1. Google Self-Driving Car Project. (2016).
  2. Newmedia, R. (2016). Un robot qui vous sert des cocktails? C’est possible! (vidéo). RTL People. 
  3. France info. (2014). Le robot-journalisme se dévoile au Web 14.  
  4. Knight, W. (2016). IBM Pushes Deep Learning with a Watson Upgrade. MIT Technology Review
  5. Rifkin, J., Chemla, F., & Chemla, P. (2014). La nouvelle société du coût marginal zéro. Paris : Les Liens qui libèrent.
  6. Futurist Thomas Frey. (2011). 55 Jobs Of The Future | Future Jobs | Futurist Predictions – Futurist Speaker
  7. Dujin, A. (2014). Les classes moyennes face à la transformation digitale (1st ed.). Rolland Berger. 
  8. Public Attitudes towards robots. (2014) (1st ed.). Special Eurobarometer.  
  9. Cohen, D. (2015). Le monde est clos et le désir infini. Paris : Albin Michel.
  10. Schumpeter, J. (1947). Capitalism, socialism, and democracy. New York : Harper & Brothers.
  11. BBC News. (2015). Will a robot take your job?
  12. France Culture. (2015). Le revenu universel de base est-il une mesure réaliste?